Le Maroc et la France veulent jouer le rôle de locomotive
Eric Besson : «Les premiers tests de rachat de l’électricité solaire marocaine auront lieu début 2012»
Dans un entretien accordé au Matin, le ministre français de l’Industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, Eric Besson, fait le point sur le partenariat franco-marocain.
LE MATIN : Le Maroc et la France veulent jouer le rôle de locomotive du Plan solaire méditerranéen. Pensez-vous que le Maroc est en mesure d’assumer ce rôle aux côtés de la France ?
ERIC BESSON : Oui je le crois profondément. Le Maroc a d’abord la chance de sa géographie si j’ose dire ! Un très fort ensoleillement. Mais il a aussi un autre atout important, sa situation géographique. Sa proximité de l’Europe fait que c’est par le Maroc que l’interconnexion devrait passer d’abord. Des projets d’interconnexions sont prévus par la suite pour relier la Tunisie et l’Italie. Cela dit, en termes de capacité d’innovation, le Maroc est en train de devenir un pays industriel dans beaucoup de secteurs. Et nous avons décidé de travailler main dans la main, entreprises marocaines et françaises, pour développer l’innovation, la recherche, la formation et de nous doter ensemble d’une filière franco marocaine en matière d’énergies renouvelables. C’est d’ailleurs le sens de l’accord qui vient d’être signé lundi dernier entre l’association marocaine des industries éoliennes et solaires et le syndicat français des énergies renouvelables.
Accompagné de plusieurs responsables d’entreprises françaises, vous avez eu des entretiens avec Mustapha Bakoury, président de la MASEN. Sur quoi ont porté vos entretiens ?
Nous avons parlé justement de ce que je viens d’évoquer. C’est-à-dire comment créer au Maroc une véritable filière industrielle. J’étais accompagné de toute l’équipe de France du Solaire c’est-à-dire toutes les entreprises françaises qui travaillent dans le solaire. Et je leur ai demandé de présenter à M.Bakoury l’ensemble de leurs activités et ce qu’elles pouvaient apporter à notre partenariat. M.Bakoury, pour sa part, a donné des précisions sur la façon dont le Maroc entend lancer, le moment venu, la deuxième tranche de l’appel d’offre (après Ouarzazate I ) et comment et sur quelles bases, il entendait lancer les prochaines étapes du plan solaire du Maroc.
Le plan solaire méditerranéen est un projet qui devrait impliquer l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen. D’après vous, est-ce que tous les pays feraient montre du même enthousiasme?
Je pense que ça va avancer selon le rythme de chaque pays. La Tunisie va vraiment s’engager. J’y étais il y a une semaine. Mais je ne peux pas répondre pour l’ensemble des pays. Toutefois je dois dire que les consortiums ont été lancés : Desertec pour la production solaire et MedGrid pour les interconnexions et j’ai l’impression que tous les pays, peut être à des rythmes différents, sont en train d’adhérer à ce projet.
S’agissant du volet relatif au plan solaire, la France et le Maroc tablent sur plusieurs institutions et organismes comme l’UE pour le financement. Est-ce que vous pensez que tous les pays européens seraient partants d’autant que certains n’étaient pas très enthousiastes quand il s’agissait de lancer l’UPM ?
Oui ! Mais c’est la politique, il faut toujours des locomotives pour reprendre votre expression. Il y a toujours des fers de lance, des éléments qui avancent plus vite. Et qui finissement pas entrainer les autres. Sur le fond, l’Union Européenne est pleinement consciente de la nécessité d’augmenter pour elle-même comme pour les autres les capacités de production d’énergie propre, si l’on veut lutter contre les gaz à effet de serre. Si en France, nous assumons le choix nucléaire pour couvrir nos besoins en électricité, tout le monde ne fait pas le même choix. Mais ceux qui n’ont pas d’hydraulique et veulent réduire la part du fossile sans recourir au nucléaire, sont obligés de se demander comment faire ? Donc je crois que la nécessité de trouver des alternatives au nucléaire et au fossile, finira par convaincre les uns et les autres.
A partir de quelle date peut-on espérer avoir les premiers résultats concrets de ce plan solaire ?
Il y a plusieurs réponses. D’abord en termes de production, SOITEC une des entreprises qui m’a accompagné lors de la réunion avec M.Bakoury a déclaré pouvoir mettre en état une capacité de production démonstrateur à Ouarzazate au début de l’année prochaine. Donc les premiers kilowatts heures devraient être produits au début de l’année prochaine.
Concernant l’appel d’offre Ouarzazate I qui a été lancé par le Maroc, je pense que la production commercera à partir de 2015. Par ailleurs, l’un des points que nous avons actés lors de nos entretiens avec Mme Benkhadra, c’est que nous allons discuter et signer avant la fin de l’année un accord intergouvernemental de rachat de l’électricité en prenant toujours le soin de préciser que l’électricité solaire produite par le Maroc devra bénéficier d’abord au Maroc, c’est le surplus qui peut être exporté. On sera en mesure de tester le rachat de cette électricité dans le cadre de cet accord début 2012.
Comment vous concevez les évolutions futures des relations entre le Maroc et la France dans le cadre des mutations profondes que vit le Royaume ?
Non seulement les liens sont très forts mais nous voulons la réussite du processus qui a été enclenché par le Roi et qui a abouti au soutien du référendum constitutionnel.
Nous avons besoin et tout le monde dans le pourtour de la Méditerranée a besoin de réussites démocratiques comme celles que le Maroc est en train de réaliser. Ici, votre processus démocratique, vous l’avez renforcé, non pas à la suite d’une révolution mais d’une évolution proposée par le Roi et adoptée par le peuple. Dès le discours sur la réforme de la Constitution, le président de la république a dit que cela constituait une avancée historique et qu’il allait la soutenir. La preuve la plus tangible a été probablement Deauville, où non seulement la Tunisie et l’Egypte ont été à l’honneur mais à la demande de la France, M.Sarkozy a souhaité que le Maroc et la Jordanie soient considérés aussi comme principaux bénéficiaires potentiels du plan d’aide décidé par le G8. Oui ! les liens entre le Maroc et la France qui sont déjà très forts vont sans doute se renforcer par l’appui que la France essayera dans la mesure de ses possibilités et de ses moyens de fournir.
Certes c’est aux Marocains qu’incombe la mission de faire aboutir le processus en cours mais nous essayerons de les aider. Il est très important pour la France que le Maroc réussisse mais c’est important aussi pour l’UPM.
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